Hacker Spaces

Nous ne sommes pas populaires sans raison

Ou comment les instigateurs de l’Eglise de Sécurité se retrouvent piégés dans un distributeur automatique de billets pendant une heure !

Vitry-sur-Seine, le 15 janvier 2009, 20 heures et une caravane

Nous nous retrouvons à la galerie municipale pour le vernissage de l’exposition CRISIS HOLIDAYS du 6bis. L’ambiance est bonne, l’installation impressionnante et les artistes peuvent être fiers d’eux. La soirée se passe et vers 22H45, nous les quittons pour aller manger un bout.

Vitry-sur-Seine, BRED Banque Populaire, 21h58

Nous entrons dans le distributeur automatique d’argent liquide pour retirer 40€ afin de régler quelques dettes contractées lors du voyage à Berlin pour les 25 ans du Chaos Communication Congress le mois précédent. Un acte tellement banal que nous n’y prêtons pas attention, et nous nous enfournons joyeusement dans l’antichambre du mal financier qui ronge la planète entre deux crises conjoncturelles-mon-oeil, afin de poursuivre gaiement et au chaud notre joyeuse conversation.

21h59, la machine crache docilement ses billets.

22H00, au moment d’ouvrir la porte d’entrée, celle-ci nous fait savoir par un silence assourdissant et un refus catégorique de s’ouvrir que, non, nous n’allons pas dîner au restaurant Chinois du coin ce soir.

Prisonniers du système bancaire

22h15, après avoir poireauté dans les 10m2 du distributeur en quête d’une solution, nous entrons simultanément en contact avec des passants et un agent de sécurité par l’intermédiaire d’un dispositif d’appel d’urgence qui ne se prend pas pour HAL. Une tentative infructueuse d’ouverture de la porte depuis l’extérieur plus tard, sanctionnée par un message “hors service”, nous abandonnons nos sauveteurs à leur quotidien tandis que notre interlocuteur mystérieux nous abreuve de conseils pour nous sortir de là. Malheureusement, nous les avons déjà tous testés, et sans résultat.

Je vous passe les détails de notre incarcération que vous pourrez écouter en partie ici (11:48) , ici (9:51) et (3:12). Voici tout de même le détail des moments particulièrement mémorables…

Vers 22H30, une voiture de policiers en civil s’arrête et les 4 inspecteurs nous tiennent compagnie jusqu’à la fin. Parmi les échanges fort distrayants :
“- Vous pouvez essayer de défoncer la porte !”, nous suggèrent-ils avec un rictus.
“- Avec la tête ?”, répondons-nous sur le même ton.

“- Mais, vous savez qu’il y a des distributeurs à l’extérieur ?”

Et plus tard, alors qu’Alex teste un numéro de téléphone qu’ils nous ont fourni :
“- Alors, qu’est-ce que ça dit ?”
“- Bonne année 2009 !”

Vers 22H40, un agent de Sécuritas arrive sur place, voit les policiers, échange avec eux quelques phrases sur la situation, passe un coup de fil d’une trentaine de secondes, se dirige vers une boîte aux lettres de l’agence bancaire, y dépose une facture, et repart immédiatement. Durée totale de l’intervention (déplacement non-compris) 1 minute et 30 secondes.

Vers 22H45, le responsable de la sécurité des agences de la BRED pour la région parisienne, visiblement ulcéré d’avoir du quitter son domicile à une heure si tardive, gare sa voiture en warning devant l’agence, derrière la voiture de police. Il considère les 4 agents devant la porte et visiblement se demande si elle n’est pas en train d’être braquée. Il prend son temps et passe son manteau tranquillement, puis s’approche : “vous êtes de la police ?” demande-t-il avant de serrer la main à chacun des policiers tandis que nous nous agitons en réclamant qu’il se presse. Il teste la porte avec sa clé, sans plus de succès que nous. Il décide alors de passer par derrière, demande la désactivation temporaire de l’alarme, entre vers 22H50 dans l’agence. Il passe une dizaine de minutes à maugréer en tentant de trouver un moyen d’ouvrir la porte tandis que nous sommes toujours coincés. “Je suis comme vous”, ose-t-il nous sortir alors que nous venons de passer près d’une heure bloqués dans un endroit sans chaise, sans chiotte, sans bar et même sans réseau ! Bref, nous finissons par sortir et après un contrôle d’identité bien mérité, n’est-ce pas, nous pouvons enfin vaquer à la restauration de nos corps fraîchement libérés d’une privation momentanée et intempestive de la liberté fondamentale du mouvement au sein du territoire de la République, et d’autres envies plus bassement matérielles, non sans avoir finalement arraché des excuses de la part du responsable de la sécurité qui avait bien compris qu’en face de lui se trouvait un élément bien décidé à jouer les roquets qui te prennent aux couilles et jamais ne te lâchent.

Nous aurions préférés qu’elles viennent naturellement, qu’il prenne conscience du désagrément de se retrouver coincés dans un lieu qui présentait un défaut de sécurité tout à fait inacceptable, même et surtout pour une banque.

En conclusion, il fallait que cela tombe sur nous, mais les apparences étant souvent trompeuses, nous avons compris un peu plus tard dans la soirée que La Patate Chaude avait permis à notre insu d’éviter la médiocrité d’un restaurant perdu dans un quartier déshérité de Vitry pour nous conduire à une merveilleuse table Thaï du XIIIème, où nous avons appris avec stupeur que Phil “a le gène de la HAIneuh”. Comme Alex a rêvé de ma tête dans le dos qui mâchait les grilles métalliques de la banque, on peut décemment s’attendre à une suite épistolaire de l’affaire… A suivre.

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